La peur intense de la pauvreté

La péniaphobie chez les jeunes

Entre la crise économique, la précarité de l’emploi, la flambée du coût de la vie et l’accès difficile au logement, de nombreux jeunes grandissent avec une sensation d’insécurité financière permanente. Même ceux qui n’ont jamais manqué de rien peuvent développer une peur viscérale de "tomber", de régresser socialement ou de rater leur vie. La volonté de faire mieux que ses parents peut nourrir la péniaphobie, surtout si l’on a grandi dans un contexte de manque. Cette pression de réussite crée une peur profonde de l’échec financier et du retour à la précarité.

L’influence des réseaux sociaux

Impossible d’ignorer le rôle que jouent aujourd’hui les réseaux sociaux dans la construction de l’image de soi chez les jeunes. Entre les vidéos de “success stories” fulgurantes, les publications de voyages de luxe, ou les conseils d’investisseurs” de 18 ans devenus millionnaires, les jeunes sont bombardés de représentations idéalisées de la réussite financière. Sur Instagram, TikTok ou même LinkedIn, on ne montre pas la réalité quotidienne mais une version filtrée de la vie. Cela crée des attentes souvent inatteignables : avoir un train de vie élevé avant même de commencer sa carrière devient une norme implicite. Un jeune étudiant ou salarié peut avoir l’impression d’avoir "raté sa vie" simplement parce qu’il ne possède pas les signes extérieurs de richesse visibles en ligne : montres de luxe, voitures, voyages, rentrées d’argent passives.

Les causes de la péniaphobie

Avoir grandi dans un foyer confronté à des difficultés financières, au chômage ou à l’insécurité alimentaire peut laisser une empreinte durable. L’enfant, devenu jeune adulte, intègre l’idée que la pauvreté est une menace constante et développe une hypervigilance face à tout ce qui touche à l’argent. Un événement soudain comme une faillite familiale, un décrochage scolaire, un échec professionnel, ou encore le licenciement d’un parent peut déclencher une peur profonde de perdre le contrôle de sa vie financière.

La peur extrême de “finir clochard”

C’est la peur de tout perdre et de se retrouver à la rue (id. sous un pont). Cette angoisse, souvent formulée comme la crainte de "finir clochard", traduit une vision catastrophique de l’avenir. Elle ne repose pas uniquement sur la peur du manque d’argent, mais touche plus profondément à la crainte de l’exclusion sociale, du rejet, de la perte totale de statut et de dignité. Le regard des autres devient alors une source permanente de stress, poussant parfois certaines personnes à se replier sur elles-mêmes pour éviter d’être jugées. Ce retrait social ne fait qu’aggraver leur mal-être, renforçant la sensation d’être en danger de "sortir du système". En réalité, cette peur d’être exclu est intimement liée à un besoin fondamental de reconnaissance et d’appartenance.

Un autre signe préoccupant est le surinvestissement professionnel ou scolaire. Travailler sans relâche, multiplier les projets ou les heures de cours, refuser de prendre du repos… non pas par passion ou ambition, mais par peur irrationnelle de ne pas en faire assez pour éviter la chute. Ce rythme effréné mène souvent à l’épuisement, d’autant plus que le repos est perçu comme un luxe dangereux.

La péniaphobie se traduit aussi par des symptômes anxieux : nervosité permanente, troubles du sommeil, crises d’angoisse à l’idée de perdre une source de revenu ou d’échouer à un examen. L’avenir est perçu comme une menace constante, avec la peur irrationnelle de “finir à la rue” même lorsque la situation réelle ne justifie pas une telle panique.

Enfin, l’un des signaux les plus discrets, mais aussi les plus douloureux, est le retrait social. Le jeune évite les sorties, les loisirs, les activités gratuites mais jugées “non productives”. Il se replie sur lui-même, perd le goût du plaisir, et s’auto-dévalorise en permanence en se comparant à d’autres qui semblent mieux réussir financièrement.

La péniaphobie, cette peur intense de manquer d’argent, ne disparaît pas du jour au lendemain. Ce n’est pas un trouble que l’on "guérit", mais une angoisse qu’il faut apprendre à apprivoiser. Progressivement, grâce à l’expérience, une forme de résilience peut émerger : celle qui permet de ne plus laisser cette crainte dicter chaque décision. Certaines personnes y parviennent en la rationalisant, d’autres en mettant en place des stratégies pour sécuriser leurs sources de revenus.